Bernes

A la recherche du Passé de Pœuilly et de ses environs : des passionnés ont remonté l'Histoire...


Eglise de BERNES

Symbolique des œuvres

de Gérard ANSART,

qui marquent l’entrée du chœur.


Le décorateur Gérard ANSART, né en 1903, devenu architecte ultérieurement, est de 30 ans plus jeune que son père Pierre, architecte né en 1873. Tous deux travaillent ensemble. Le jeune Gérard (22 ans en 1925) a sans doute eu connaissance de l’Exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes et en a été forcément influencé ; il s’agissait de la montée en puissance de ce nouveau mouvement esthétique qu’on appellera, quelques décennies plus tard, l’Art Déco.
Issu d’une famille imprégnée de culture religieuse, il a une bonne connaissance des textes et prières utilisés dans la liturgie lors des cérémonies de l’église catholique. Aussi ponctue-t-il très souvent ses œuvres de phrases provenant de ce registre spirituel pour affirmer le sens de ses réalisations.
Il en est ainsi à Bernes que ce soit pour la table de communion, les ambons ou les autels latéraux ; comme juxtaposés, ils constituent, en quelque sorte, une ligne marquant l’entrée du choeur.
Il est à noter, d’abord, que le Maître-autel, de facture classique, représente en son bas-relief « La Cène » (le dernier repas de Jésus avec ses disciples) telle qu’elle a été peinte par Léonard de Vinci.

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Or, dans l’histoire de Jésus, la Sainte-Cène, qui institue l’Eucharistie (ce qui au fil des siècles s’est appelé « La messe ») se situe le Jeudi Saint. Et en ce jour de Jeudi Saint, le repas de Jésus avec les douze apôtres est précédé du Lavement des pieds.
Et, c’est de cela que nous parle la phrase inscrite par Gérard ANSART tout au long de la table de communion.

- La table de Communion :

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. La phrase en latin : « Si non lavero te non habebis partem mecum ».
Littéralement : « Si je ne vous lave pas, vous n’aurez point de part avec moi » (St-Jean ch.XIII – verset 8). Et Dom Augustin Calmet, (1672-1757) dans son commentaire, nous précise « (si je ne vous lave,) vous ne ferez point (partie) de mes amis, ni du nombre de mes disciples ». Et il ajoute : « …Le Sauveur entend parler d’une autre ablution qui est celle de l’âme et dont l’extérieur (les pieds) n’était que le symbole…Il était en effet ordinaire à Jésus-Christ de passer du sensible au spirituel dans tous ses discours…il détourne le sens littéral (des choses) pour parler…du surnaturel… ».
Ce qui nous amène à une formulation qui pourrait être la suivante : Si je ne purifie pas ton âme, tu n’auras « point de part avec moi », c’est-à-dire à la communion à mon corps et à mon sang. Ce qui prend tout son sens comme inscription sur une table de communion et qui fait penser à la phrase dite par tous à la messe, juste avant la communion : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ».
Et on trouve dans le psaume 50 le verset suivant : « Lave-moi de ma faute, efface mon péché ».

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. La barque stylisée
Simon-Pierre, le 1er des apôtres, à qui la phrase ci-dessus a été adressée par Jésus, était pêcheur de métier, comme d’autres apôtres aussi. Jésus dira d’ailleurs à Pierre : « Désormais, tu seras pêcheur d’hommes ». La barque est symbolique de ces épisodes durant lesquels Jésus « appelle » ses premiers disciples, autour du lac de Tibériade.
Le groupe des 12 apôtres constituera la base de l’église primitive. Le signe de reconnaissance des premiers chrétiens sera « le poisson ».
- Les deux ambons :
Sur chacun des deux ambons qui entourent la table de communion, réalisés en mosaïque, figurent deux poissons, avec l’inscription, au centre, d’un mot grec. Celui-ci – ICHTHUS en latin - correspond au monogramme du Christ et signifie : Iésous Christos Théou Uios Sôter (Jésus-Christ, fils de Dieu, sauveur). Les initiales forment le mot grec ikhtus, « poisson » ; de là vient que le poisson a été souvent pris comme symbole du Christ (sources : Le petit Larousse) et est devenu, à l’époque, le signe de
reconnaissance des premiers chrétiens.
Ainsi, depuis près de deux millénaires, le poisson symbolise l’assemblée des chrétiens ; et l’ambon dans l’église est le lieu de la parole, celle qui provient des Ecritures, annoncée aux chrétiens réunis en assemblée, le dimanche, à la messe.

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- L’autel de la Vierge :
       Sur la droite, l’autel de la Vierge est richement décoré de mosaïques. Celles-ci représentent notamment une couronne et des lys ; et on voit en effet souvent la Vierge représentée avec une couronne (« La reine des cieux »).

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L’inscription en latin, en milieu de l’autel : « Ecce ancilla Domini » signifie « Voici la servante du Seigneur ! » - 2ème verset de l’Angélus, prière qui rappelle l’Annonciation : « L’ange du Seigneur fil l’annonce à Marie…Et elle conçut du Saint-Esprit » ; puis « Voici la servante du Seigneur…qu’il me soit fait selon ta parole ! »... « Et le verbe s’est fait chair…Et il a habité parmi nous ». Affirmation de l’Incarnation de Jésus.
Sur la partie basse de l’autel, toujours en mosaïque : un vase et des lys, toujours dans des formes très stylisées, avec cette phrase en latin : « Vas Honorabile », c’est-à-dire « Vase honorable ». Cette phrase, qui peut paraître surprenante, provient des Litanies à la Vierge, prière un peu répétitive où, après chaque invocation, les fidèles répondent en latin : « ora pro nobis » - ou en français : « priez pour nous ». Ainsi cette invocation « Vase honorable » se situe au coeur d’une longue litanie comprenant notamment les invocations suivantes : « Sainte Marie…, Sainte Mère de Dieu…, Mère très-pure…, Mère admirable…, Siège de sagesse…, Cause de notre joie…, Vase spirituel…, Vase honorable…, Vase insigne de dévotion..., Rose mystique…, Reine des patriarches, Reine des prophètes, Reine des Apôtres, Reine des martyrs, Reine de tous les Saints,…etc »
- L’autel du Sacré-Coeur :
Sur l’autre côté de la table de communion, l’autel latéral est dédié au « Coeur sacré de Jésus » comme indiqué en latin en milieu de l’autel : Cor Jésu Sacratissimum »
Les mosaïques dont la couleur dominante est le rouge, évoquent la passion, la douleur, le coeur de Jésus transpercé. De chaque côté du tabernacle, trois clous, entourés d’une couronne d’épines très stylisée symbolisent la crucifixion.

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Sur la partie basse de l’autel, on peut lire, en latin « Adoramus te Christe », ce qui signifie : « Nous t’adorons ô Christ » (1er verset d’un chant religieux déjà ancien et repris encore aujourd’hui); et au cœur de cette phase le monogramme IHS (Iesus, Hominum Salvator) qui signifie « Jésus Sauveur des Hommes ». Et de ce monogramme s’écoule, de chaque côté, comme une source mêlée de blanc et de rouge, figurant sans doute le sang du Christ (on trouve à l’église de Pœuilly plus clairement encore – sur la sculpture en bas de l’autel - cette image de la source qui trouve son origine dans la croix du Christ).
Ces phrases et ces mosaïques symbolisent l’aboutissement de la vie terrestre du Christ et de sa mort sur la Croix, et, sans doute, témoignent du développement du culte au Sacré-Cœur qui s’est particulièrement développé à la fin du XIXème siècle. Ainsi en la Basilique du Sacré-Cœur à Paris « l’adoration du Sacré-Cœur» est organisée de manière régulière et continue.
On pourrait dire que l’annonce de l’Incarnation de Jésus figurant sur l’autel de la Vierge dont les mosaïques aux tons vert-bleu portent à l’espérance, mène à la Passion, symbolisée par l’autel du Sacré-Cœur dont les mosaïques aux tons rouges – couleur sang – symbolisent la crucifixion.
Et, au centre, donc, la table de communion qui ramène à la foi chrétienne en la présence réelle du corps et du sang du Christ.
Ainsi, au cœur de l’esthétique du style Art-Déco, le décorateur Gérard ANSART apporte aux fidèles et aux visiteurs des contenus religieux significatifs, extraits de prières, de chants religieux ou des phrases qui proviennent des évangiles.
ARHL – Pierre Leroy – Juin 2015
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