Or,
dans l’histoire de Jésus, la Sainte-Cène, qui institue l’Eucharistie
(ce qui au fil des siècles s’est appelé « La messe ») se situe le Jeudi
Saint. Et en ce jour de Jeudi Saint, le repas de Jésus avec les douze
apôtres est précédé du Lavement des pieds.
- La table de Communion :
. La phrase en latin : « Si non lavero te non habebis partem mecum ».
Littéralement
: « Si je ne vous lave pas, vous n’aurez point de part avec moi »
(St-Jean ch.XIII – verset 8). Et Dom Augustin Calmet, (1672-1757) dans
son commentaire, nous précise « (si je ne vous lave,) vous ne ferez
point (partie) de mes amis, ni du nombre de mes disciples ». Et il
ajoute : « …Le Sauveur entend parler d’une autre ablution qui est celle
de l’âme et dont l’extérieur (les pieds) n’était que le symbole…Il
était en effet ordinaire à Jésus-Christ de passer du sensible au
spirituel dans tous ses discours…il détourne le sens littéral (des
choses) pour parler…du surnaturel… ».
Ce qui nous amène à une
formulation qui pourrait être la suivante : Si je ne purifie pas ton
âme, tu n’auras « point de part avec moi », c’est-à-dire à la communion
à mon corps et à mon sang. Ce qui prend tout son sens comme inscription
sur une table de communion et qui fait penser à la phrase dite par tous
à la messe, juste avant la communion : « Seigneur, je ne suis pas digne
de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri ».
Et on trouve dans le psaume 50 le verset suivant : « Lave-moi de ma faute, efface mon péché ».
.
. La barque stylisée
Simon-Pierre,
le 1er des apôtres, à qui la phrase ci-dessus a été adressée par Jésus,
était pêcheur de métier, comme d’autres apôtres aussi. Jésus dira
d’ailleurs à Pierre : « Désormais, tu seras pêcheur d’hommes ». La
barque est symbolique de ces épisodes durant lesquels Jésus « appelle »
ses premiers disciples, autour du lac de Tibériade.
Le groupe des 12
apôtres constituera la base de l’église primitive. Le signe de
reconnaissance des premiers chrétiens sera « le poisson ».
- Les deux ambons :
Sur
chacun des deux ambons qui entourent la table de communion, réalisés en
mosaïque, figurent deux poissons, avec l’inscription, au centre, d’un
mot grec. Celui-ci – ICHTHUS en latin - correspond au monogramme du
Christ et signifie : Iésous Christos Théou Uios Sôter (Jésus-Christ,
fils de Dieu, sauveur). Les initiales forment le mot grec ikhtus, «
poisson » ; de là vient que le poisson a été souvent pris comme symbole
du Christ (sources : Le petit Larousse) et est devenu, à l’époque, le
signe de
reconnaissance des premiers chrétiens.
Ainsi, depuis
près de deux millénaires, le poisson symbolise l’assemblée des
chrétiens ; et l’ambon dans l’église est le lieu de la parole, celle
qui provient des Ecritures, annoncée aux chrétiens réunis en assemblée,
le dimanche, à la messe.
- L’autel de la Vierge :
Sur la droite, l’autel de la Vierge est richement
décoré de mosaïques. Celles-ci représentent notamment une couronne et
des lys ; et on voit en effet souvent la Vierge représentée avec une
couronne (« La reine des cieux »).
L’inscription
en latin, en milieu de l’autel : « Ecce ancilla Domini » signifie «
Voici la servante du Seigneur ! » - 2ème verset de l’Angélus, prière
qui rappelle l’Annonciation : « L’ange du Seigneur fil l’annonce à
Marie…Et elle conçut du Saint-Esprit » ; puis « Voici la servante du
Seigneur…qu’il me soit fait selon ta parole ! »... « Et le verbe s’est
fait chair…Et il a habité parmi nous ». Affirmation de l’Incarnation de
Jésus.
Sur la partie basse de l’autel, toujours en mosaïque : un
vase et des lys, toujours dans des formes très stylisées, avec cette
phrase en latin : « Vas Honorabile », c’est-à-dire « Vase honorable ».
Cette phrase, qui peut paraître surprenante, provient des Litanies à la
Vierge, prière un peu répétitive où, après chaque invocation, les
fidèles répondent en latin : « ora pro nobis » - ou en français : «
priez pour nous ». Ainsi cette invocation « Vase honorable » se situe
au coeur d’une longue litanie comprenant notamment les invocations
suivantes : « Sainte Marie…, Sainte Mère de Dieu…, Mère très-pure…,
Mère admirable…, Siège de sagesse…, Cause de notre joie…, Vase
spirituel…, Vase honorable…, Vase insigne de dévotion..., Rose
mystique…, Reine des patriarches, Reine des prophètes, Reine des
Apôtres, Reine des martyrs, Reine de tous les Saints,…etc »
- L’autel du Sacré-Coeur :
Sur
l’autre côté de la table de communion, l’autel latéral est dédié au «
Coeur sacré de Jésus » comme indiqué en latin en milieu de l’autel :
Cor Jésu Sacratissimum »
Les mosaïques dont la couleur dominante est
le rouge, évoquent la passion, la douleur, le coeur de Jésus
transpercé. De chaque côté du tabernacle, trois clous, entourés d’une
couronne d’épines très stylisée symbolisent la crucifixion.
Sur
la partie basse de l’autel, on peut lire, en latin « Adoramus te
Christe », ce qui signifie : « Nous t’adorons ô Christ » (1er verset
d’un chant religieux déjà ancien et repris encore aujourd’hui); et au
cœur de cette phase le monogramme IHS (Iesus, Hominum Salvator) qui
signifie « Jésus Sauveur des Hommes ». Et de ce monogramme s’écoule, de
chaque côté, comme une source mêlée de blanc et de rouge, figurant sans
doute le sang du Christ (on trouve à l’église de Pœuilly plus
clairement encore – sur la sculpture en bas de l’autel - cette image de
la source qui trouve son origine dans la croix du Christ).
Ces
phrases et ces mosaïques symbolisent l’aboutissement de la vie
terrestre du Christ et de sa mort sur la Croix, et, sans doute,
témoignent du développement du culte au Sacré-Cœur qui s’est
particulièrement développé à la fin du XIXème siècle. Ainsi en la
Basilique du Sacré-Cœur à Paris « l’adoration du Sacré-Cœur» est
organisée de manière régulière et continue.
On pourrait dire que
l’annonce de l’Incarnation de Jésus figurant sur l’autel de la Vierge
dont les mosaïques aux tons vert-bleu portent à l’espérance, mène à la
Passion, symbolisée par l’autel du Sacré-Cœur dont les mosaïques aux
tons rouges – couleur sang – symbolisent la crucifixion.
Et, au centre, donc, la table de communion qui ramène à la foi chrétienne en la présence réelle du corps et du sang du Christ.
Ainsi,
au cœur de l’esthétique du style Art-Déco, le décorateur Gérard ANSART
apporte aux fidèles et aux visiteurs des contenus religieux
significatifs, extraits de prières, de chants religieux ou des phrases
qui proviennent des évangiles.
ARHL – Pierre Leroy – Juin 2015