Vraignes-en-Vermandois

A la recherche du Passé de Pœuilly et de ses environs : des passionnés ont remonté l'Histoire...


Les conditions de vie des paysans au cours du XIXe siècle

La révolution agricole du XIXe siècle

Vraigne_Expo28 L'été de Julien Dupré (1851 - 1910)

Scène de la vie paysanne telle que l’auteur (Julien Dupré) la côtoie en Picardie autour de Nauroy et Saint-Quentin.
 Il faut beaucoup de monde pour la moisson, hommes et femmes sont réquisitionnés. Si les hommes manient la faux, les femmes utilisent la faucille.
Sur le fond jaune et doré de la plaine, la ligne des travailleurs forme une diagonale pleine de couleurs et de vie.

En rentrant des champs de Julien Dupré  

Depuis 1789, plus nombreux sont les paysans propriétaires de la terre qu'ils cultivent mais cela n'a pas amélioré leurs conditions de vie...
Toute la famille travaille
, le père aux champs, il fait les labours, les cultures, la femme s'occupe du poulailler, des bêtes et les enfants aident leurs parents dans les travaux des champs et les tâches domestiques.
A cette époque, tout se fait encore à la main, peu de choses ont changé depuis le moyen-âge. Les outils sont rudimentaires, (beaucoup de champs sont encore labourés à la bêche et à la houe , la moisson se fait à la faux (la faux remplaça la faucille pour la récolte des céréales qu'à partir du XVIe siècle) et le blé est battu au fléau, toutes ces opérations sont longues et demandent beaucoup de bras. Quelques boeufs peuvent aider pour transporter les charges lourdes. Cela explique pourquoi l'agriculture emploie trois français sur quatre.
Les paysans mènent une vie de labeur
, frustre avec peu de distractions, rythmée par les saisons. Le pain est l'élément principal du repas avec le plus souvent une soupe de légumes. Le soir, à la veillée le travail n'était pas encore terminé, les hommes pouvaient fabriquer des paniers, des râteaux, les femmes reprisent les habits ou fabriquent du fil avec la laine des moutons ou de fibre de chanvre et de lin. C'est à partir de ces plantes qu'on fabrique le linge de maison et les vêtements des paysans. Les paysans achètent peu de chose à l'extérieur.
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La révolution agricole du XIXe siècle

La révolution industrielle va amener une progressive mécanisation de l'outillage agricole et des techniques d’exploitation et donc une amélioration des rendements.
Vraigne_Expo30Faucheuse-javeleuse, une des premières moissonneuse à traction animale, les javelles sont les gerbes de blé laissées par la machine.
Moissonneuse Mc Cormick
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 L'évolution de la production est spectaculaire, elle double de volume entre 1850 et 1870. Ce ne sont pas uniquement les machines qui permettent cette amélioration, il y a aussi les engrais et une meilleure connaissance des plantes et des sols qui augmentent les rendements.
Les campagnes françaises sont prospères, les paysans s'enrichissent tout au long de la deuxième partie du XIXe siècle. Ils « s’embourgeoisent » : Amélioration des repas, de l'ameublement, de la vaisselle...
 La pomme de terre devient l'alimentation de base, d'abord des paysans français parce qu'elle pousse bien, elle se conserve facilement et grâce au chemin de fer, elle voyage dans toute la France. Chemin de fer et pomme de terre éliminent la famine. Peu à peu, les régions vont se spécialiser dans les productions agricoles les plus adaptées à leur climat et à leur « sous-sol » : betteraves et céréales au nord, céréales dans la Beauce, élevage en Normandie, fruits et légumes dans le sud.
 Les paysans ne sont plus auto-suffisants, ils se spécialisent et pour le reste, ils font leur course au marché. L'alimentation s'améliore et la taille moyenne des Français augmente sensiblement.

D'après les travaux d'Arnaud Baubérot, historien, université de Paris-Est, Marjolaine Boutet historienne et du documentaire l'histoire au quotidien, La révolution agricole du XIXème siècle.

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En 1885, un article sur « La moissonneuse Adriance » dans le « Journal d'agriculture pratique »

La moissonneuse américaine Adriance

 Dans le numéro du 14 mai dernier, j’ai eu l’occasion de parler de la faucheuse Buckeye, vendue par MM. Adriance, Platt et Cie, 10, quai de Jemmapes, Paris. Les mêmes constructeurs fabriquent aussi une moissonneuse très estimée.
 Le bâti de cette machine (fig. 4) est d’une seule pièce, de sorte que les essieux sont toujours en ligne droite ; par suite, peu de frottement et d’usure des engrenages et une traction très faible. Le mécanisme des râteaux est simple, bien combiné ; le conducteur peut faire fonctionner à son gré un ou plusieurs bras comme râteaux ou comme rabatteurs au moyen d’une pédale, et, grâce aux roues dentées de 3 grandeurs différentes, que les constructeurs livrent avec la moissonneuse, il est encore possible de faire varier à volonté la course des râteaux. Ainsi on peut donner à la javelle* la grosseur désirée, soit en changeant le nombre des bras javeleurs, soit en augmentant ou diminuant la vitesse de rotation des râteaux. Pour arriver au même résultat, il a fallu, dans certaines machines, employer 5 râteaux, ce qui augmente la traction et l’usure. Ajoutons que les blés versés se coupent facilement avec la moissonneuse Adriance et Platt ; il suffit en pareil cas, et au moyen d’un levier, de faire piquer la pointe des doigts, de même qu’on peut aussi élever ou abaisser sans difficulté la barre coupeuse et le tablier.
 Pour ce qui est du transport de l’appareil, il va sans dire que, comme dans toutes les moissonneuses nouvelles, le tablier se relève, la machine se débraye, aucun organe essentiel n’est en mouvement, la grande roue motrice seule tourne à vide.
 A. LEBLOND
Source : A. Leblond , «La moissonneuse Adriance», Journal d'agriculture pratique, 1885, vol. 2, p. 56.
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(*) javelle : petit paquet de céréale coupée, non encore liée sous forme de gerbe.

La paye des moissonneurs.

 la monumentalité du tableau, véritable hymne au travail paysan 

LHERMITTE Léon-Augustin (1844 - 1925) originaire de l’Aisne

Au XIXe siècle comme aujourd’hui, la Picardie, terre de champs ouverts, était en grande partie consacrée aux cultures céréalières. Elle s’est modernisée relativement vite : les exploitations sont assez vastes et les fermes, souvent à cour fermée (donnant sur les habitations, la grange et les bâtiments intermédiaires comme l’étable), varient de 10 sur 15 mètres à 20 sur 30 mètres. La faux élimine la faucille dès les années 1830. « La paye des moissonneurs » a précisément pour cadre ce type de ferme : le modèle en est l’exploitation dite de Ru-Chailly, près de Château-Thierry (Aisne), grande propriété affermée à la famille Jary dont le grenier débordant de foin symbolise l’aisance dans le tableau de Lhermitte. Le réalisme scrupuleux et les thèmes de cette toile expliquent son extraordinaire succès auprès du grand public et de l’État, qui l’acquiert le jour même de l’ouverture du Salon, en 1882.
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 On ne peut s’empêcher d’être frappé par la monumentalité du tableau, véritable hymne au travail paysan, et par le réalisme méticuleux, presque photographique, d’une « peinture littérale », comme dit le Sâr Peladan en 1888 : le tablier de la femme, le bonnet de l’enfant au sein, la faucille plantée dans la gerbe, la gourde accrochée aux flancs du vieil homme en sabots, tout témoigne d’un goût prononcé pour le détail vrai. Pour cette raison, Lhermitte devient, surtout après la mort de Bastien-Lepage, le représentant de la peinture paysanne sous la Troisième République. Il donnera, avec un succès jamais démenti, l’image rassurante d’une France rurale laborieuse, ignorante des bouleversements sociaux et des troubles que le prolétariat fomente en ville : c’est ainsi qu’aime à se présenter une Troisième République soutenue, comme du reste le Second Empire, par des campagnes attachées à un régime stable, à la morale familiale et au travail.


Fin XIXème – Début XXème


Exemple de poème de R. Beaucourt évoquant le Vermandois.
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Ches plaines picardes

 

Nous jolies plain’s, ches plain’s picardes,
S’allong’nt, s’allong’nt, s’allong’nt sans fin,
L’eine apris l’eut crân’s et gaillardes,
Sutn’nant1 Amiens et Saint-Quintin,
Pis des villag’s, coir’ des villages,
Toujours, toujours et bien pus lon
Que l’callottt’ bleue qu’all nous incage2
Ni puss ni moins qu’ des tchouts pinchons3 !

 

Tout comm’ des dam’s ou des mamzelles
Qui rind’nt visite et font salon,
Leuss rob’s i’ n’ sont jamas parelles,
Et cang’nt ed tointe4 à chaqu’ saison !
In ploin hiver, vêtues d’hermine,
Et d’ dintelle’s blanq’s et d’ linon blanc,
Is zont ein air affabe, ein’ mine
Ed jonn’s mariées ou d’ commugniants.

Ed dins ches moumints qué l’ tourt’relle5
Réveill’ ches bous et fouat sin nid,

Eq ches bouilleux6 s’ couvert’nt ed felles7,
In vot leus pus tchouts cuins guernis

1 soutenant

2 Nous met en cage

3 Pinsons

4 Changent de teinte

5 Tourterelle

6 Bouleaux

7 Feuilles


Ed rangi’s avoine pis d’ pam’s1 ed soile2,
Pus douch’s et luisant’s èq du v’ lours,
Létandis3 qu’ parell’s à d’s z-étoiles

Ches margritt’ ross’s brill’nt à l’eintour.

Et pis v’ là juin et ches œillettes,
Ches izern’s4 bleues et ches blés drus
Où vien’nt ess muchi5 c’s z-aleuettes ;
Et ch’est dains l’ jour et ch’ est par nut,
D’ss z-odeurs d’ tillul6 pis d’ tramène7,
Qué ch’ veint ramasse in mille indrots
Et qu’i répard comme ein’ breuène8
Oudzeur ed ches hâyes pis d’ ches tots.

 Et v’ là l’êout et ses royères9
Qui cauff’10 nous plain’s et s’ z-einabellit
D’ein’ parur’ d’or qui les reind fières.
Et tous ches camps11 in sont guernis12,
Pis v’ là des cairs13 et des quérettes14,
Chergés tertous à ploin coupets,
V’là ches gléneux sur ches voyettes
Abougeant15 leus glèn’s16 par quat’ lets17 !

1 Tiges

2 Seigle

3 Tandis que

4 Luzernes

5 Se cacher

6 Tilleul

7 Trèfle

8 Brume

9 Rayons

10 Chauffe

11 Champs

12 Garnis

13 Chariots

14 Voitures

15 Ajustant

16 Glanes, poignées d'épis glanés

17  Groupe de choses de même nature



 

Plain’s èq ches herch’s il’ égratignent
Gan’s1 à midi et roug’s ou soir
Quand’ ess soulel s’einfonce à l’ brène
Dains ches poupiis qu’ in vot tout noirs.
Plain’s triss’s quand éch temps i s’ marmouse2
Et qu’in erbaye3 jamas ercrands4,
Même dains l’ frectème5 qu’ ch’ veint il’ housse !

In soufflant d’ sur des heur’s durant !

Plain’s terluisant’s ou clair ed lène,
Quand in n’aouït qué ch’ oursignou6.
Plain’s reimplies d’ viux pommiis qui s’ tourrènent7,
Où ch’ loboureu s’ met ou radous8 ;
Plain’s eintourant nous tchouts villages,
Pour ercueillir des bruts, des vox !...
Treuées souveint souveint par plaches
Par in cloqui qui drèche ess crox…

 

Plain’s où rindonn’nt9 ches phras’s picardes,
Ej peinse à vous, à vous toujours !
Et j’ pux bien dir’ combien i m’ tarde
Ed vous ervir dains ches bieux jours,
Quand ches feuqueux rélièv’nt leus guerbes,
Qu’ ches seut’rell’s cant’nt séran10 
Crinon11
Pour rêver tout min seu dains ch’ l’herbe
Qu’ all’ pouss’ sul dous d’ tous nous ruyons12 !

1 Jaunes

2 Se gâte

3 Regarde

4 Fatigués

5 Humidité

6 Rossignol

7 Tortille

8 A l'abris

9 Raisonnent

10 près

11 Grillon

12 Talus


On voit ci-dessous combien les rendements ont considérablement progressé durant ces cinquante dernières années, même si on peut constater des irrégularités. Ceci sonne comme un rappel – si cela était nécessaire – que le Monde et le monde agricole en particulier, ont bien changé depuis les époques de Crinon et Beaucourt !

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