C’est là aussi qu’il ira régulièrement se poser pour trouver
l’inspiration et pour écrire une grande part de ses œuvres. La plus
connue, « Les satires picardes », qu’il aurait commencé à écrire après
1848, a été publiée en 1863 et c’est par elle qu’il connut une certaine
notoriété. Cet ouvrage est composé de textes divers, d’abord publiés
dans les gazettes de Péronne et de Saint-Quentin, portant sur des
thèmes liés à la vie quotidienne à la campagne dont voici quelques
titres : « Petites misères de la vie des campagnards », « Le bonheur
des pauvres », « Sur l’ivrognerie », « Sur l’avarice », « Sur le luxe
», « L’orgueil », « Sur les femmes », « Sur la politique », « Les
partageux », « Restons au village », « Sur le matérialisme », « La
campagne et la ville », « Sur le bon Dieu », « Mon testament », « Le
malade»…
Hormis trois ou quatre chansons écrites en
langue française, son oeuvre est entièrement en Picard, puisque c’était
la langue parlée, à l’époque, dans nos villages de Picardie. Dans
l’étude littéraire publiée en 1970 par René Debrie et Pierre Garnier à
l’occasion du centenaire de la mort de Crinon, on peut lire : « Le
plaisir éprouvé à lire Crinon est le plaisir éprouvé à lire le picard,
tant cette langue est par elle-même musique, articulations, gestes. »
Poète-paysan, Crinon était ouvert sur le monde et sur la politique. A
ce titre, il est intéressant de porter un regard sur la période
historique au cours de laquelle il a vécu. Période troublée et instable
socialement et politiquement.
Quand il est né en 1807 et
durant son enfance, les souvenirs de la révolution française de 1789
étaient encore proches. Napoléon était alors au pouvoir jusqu’au moment
de son abdication en 1814. Puis, après l’empire, ce fut la 1ère
restauration de la monarchie avec Louis XVIII qui règna de 1814 à 1824,
avec toutefois deux parenthèses qui se sont succédées : « Les cent
jours » qui voient le retour de Napoléon et la défaite de Warteloo,
puis le très bref passage (d’une durée de 15 jours) de Napoléon II
comme empereur des Français suite à la seconde abdication de Napoléon
1er le 23 juin 1815. Louis XVIII meurt le 16 septembre 1824. Charles X
lui succède. Il mènera une politique ultra-royaliste et anti-sociale
qui conduira à la révolution de 1830. Il sera alors renversé.
Louis-Philippe règnera ensuite, jusqu’à la révolution de 1848. Celle-ci
débouche sur la IIème république. Louis-Napoléon-Bonaparte, neveu de
Napoléon 1er, est élu Président de la République. Peu après, par le
coup d’Etat du 2 décembre 1851, il devient empereur avec l’approbation
de la majorité de la population et il prend le nom de Napoléon III ;
c’est le Second Empire…jusqu’à la bataille de Sedan en 1870 (début de
la guerre avec les Prussiens) au terme de laquelle Napoléon III subira
une défaite humiliante.
Le 4 Septembre 1870, au jour même de la mort de Crinon, c’est la proclamation de la IIIème République.
Durant ses années de jeunesse, (il a 22 ans quand éclate la révolution
de 1830), attentif déjà à la vie politique du pays, il s’engage en
écrivant des chansons exprimant ses opinions, clairement du côté de la
révolution. Il publiera d’ailleurs à cette époque un ouvrage composé de
trois cahiers dont les couleurs étaient respectivement le rouge, le
blanc et le bleu, si populaires depuis la Révolution de 1789 et, nous
dit J.B. Tilloy, contemporain de Crinon : « Le fond (n’était) pas moins
tricolore que la forme ». Il a évolué ensuite, dans les moments de la
révolution de 1848, choisissant plutôt le parti de l’ordre. Il s’est
alors tourné vers des écrits s’adressant davantage à l’homme dans son
individualité, invitant ceux qui le lisent à réfléchir sur ce qu’il
considère comme les maux profonds de la société : l’orgueil,
l’ambition, l’envie, l’égoïsme…
Ce sont ces textes
porteurs d’une réflexion morale et philosophique qui, publiés en 1863
sous le titre « les satires picardes », lui ouvriront les portes de la
postérité.
Il écrira aussi quelques chansons dans les années 1850 et 1860.
Sa chanson la plus connue reste « El trip’ed vaque », chantée
encore de nos jours ; elle est aussi parfois répertoriée sous le titre
« El trip’ perdue ».
Mais, depuis 1860 déjà, il est atteint d’une grave maladie qui le conduira à la paralysie. Il en mourra en 1870.
En 1892, un buste en bronze représentant Crinon fut inauguré dans son village, sur un terrain proche de la maison où il avait habité.
En 1907,
le centenaire de sa naissance a été dignement célébré à Vraignes avec «
plus de mille personnes » présentes venues de tous les villages
environnants.
En 1970,
en préparation du centenaire de la mort de Crinon, l’association
Eklitra a publié un livret consacré à Hector Crinon : « Etude
littéraire et lexique de sa langue ». A l’initiative de cette
association, un nouveau buste d’Hector Crinon, cette fois-ci en pierre,
a été édifié sur le même emplacement que le précédent ; celui-ci avait
été emporté par les Allemands vers la fin de la 2ème guerre mondiale
pour être fondu. Ce nouveau buste a été inauguré le 14 mai 1972.

Sources et bibliographie :Hector CRINON - Etude littéraire et lexique de sa langue – Eklitra XII – de R. DEBRIE et P. GARNIER 1970.H. Crinon - Satires picardes et autres oeuvres – Université de Picardie, Centre d’Etudes Picardes - 1982.Les satires picardes – Textes en picard et en français traduits par G. Guilbert et B. Plaquet – Editions de la Vague verte – 2006.ARHL- P.Leroy- juillet 2015.